Une étude danoise traque la toxicité dans les emballages des produits alimentaires

L’étude révèle la toxicité AhR d’un emballage de pizza

Une étude danoise du National Food Institute danois et de l’Université de Søborg, récemment publiée dans la revue scientifique Food additives and contaminants, a démontré qu’il nous reste encore bien des choses à apprendre des substances toxiques présentes dans les emballages alimentaires papier et carton. Notons qu’elle est issue d’une étude plus large basée sur l’analyse de 20 différents types de papier.

Les tests ont révélé la présence de substances toxiques (toxicité dite AhR, cf. définition ci-dessous) pour l’homme et l’environnement dans la composition chimique d’un emballage alimentaire en carton recyclé. Cette toxicité est équivalente à 47,9 nano grammes par kilo d’emballage de la plus toxique des dioxines, la 2,3,7,8-TCDD (cf. définitions ci-dessous).

Définitions : la toxicité AhR et les dioxines, c’est quoi ?

Récepteur aryl-hydrocarbone (ou AhR) : Protéine encodée par le gène AhR chez l’être humain. Il s’agit d’un facteur de transcription, c’est-à-dire qu’elle a pour fonction de « recopier » les données des gènes. Il a été montré que des substances chimiques telles que la 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine (la dioxine la plus toxique de toutes) pouvaient mener à des modifications dans la transcription des gènes. Ce type de toxicité est appelé toxicité AhR.

Dioxines : Polluants organiques persistants dans l’environnement. Très toxiques, elles peuvent interférer avec le système hormonal, causer des cancers, causer des problèmes au niveau de la reproduction et du développement, ou encore affaiblir le système immunitaire. Plus 210 composés sont apparentés à la dioxine, mais seuls 17 sont considérés comme ayant une toxicité importante.

2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine ou TCDD : Composé apparenté à la dioxine considérée comme le plus toxique. D'après le Centre international de recherche sur le cancer, c'est l'une des dioxines les plus toxiques pour l'homme, et la seule considérée comme cancérigène.

Comprendre la méthode scientifique utilisée pour l’étude

Le test préliminaire

Les auteurs de l’étude ont testé un échantillon issu d’une boite à pizza en carton recyclé en le faisant bouillir dans de l’éthanol. Le résultat a montré une toxicité AhR équivalente à 47.9 nanogrammes de 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine par kilogramme de carton.

Afin de découvrir la source de cette toxicité, l’échantillon a ensuite été fractionné par chromatographie liquide à haute performance (HLPC) en 10 parties. La toxicité était concentrée dans seulement deux des dix parties résultantes. Leur analyse a permis de déterminer la présence de soixante-quinze substances dans ces deux parties.

Analyse des 75 substances trouvées : lesquelles sont responsables de la toxicité ?

Les auteurs ont sélectionné quinze de ces substances car elles comportaient des structures similaires aux substances actives AhR et étaient donc les plus probablement responsables de la toxicité. Une analyse en détail de cette liste a démontré que seules sept d’entre-elles étaient issues de préparations disponibles dans le commerce et pouvant être mesurées dans les tests sur cellules.

Une seule de ces sept substances a montré une toxicité AhR significative : le « Solvent Violet 8 », une teinture utilisée dans les encres d’imprimerie. Mais, selon l’auteur principal de l’étude, elle est en fait responsable de la toxicité à moins de 1%...

Les seules autres sources de toxicité connues étaient les traces de dioxine, furanes et PCB. Additionnées, l’ensemble des substances toxiques identifiées ne représentent que 3% de la toxicité.

Les conséquences potentielles de cette étude

Le manque de connaissances sur la toxicité des emballages dérivés du papier : un point critique à améliorer

Cette étude démontre le manque de traçabilité des substances toxiques dans les papiers et cartons en contact avec les denrées alimentaires, et le manque de connaissances sur la nature de ces substances. De plus elle met l’accent sur la présence de substances dangereuses dans le papier et le carton recyclé.

 

L’auteur principal de l’étude souligne, dans un entretien accordé à Chemical Watch, que la complexité de la traçabilité des substances dans cet emballage vient notamment du fait que « les produits dérivés du papier peuvent être très sophistiqués, faits de différentes couches, avec des revêtements de surface et des encres d’imprimerie, et également être recyclés. Ce sont des produits complexes. »

Les résultats sont très intéressants pour les législateurs, de même que pour l’industrie du papier et de l’encre d’imprimerie. Ils soulignent la difficulté de retracer l’origine de la toxicité des emballages papier et carton.

Vers une augmentation des contrôles sur les matériaux en contact avec l’alimentaire ?

Il n’y a actuellement que peu de contrôles sur les substances chimiques présentes dans les matériaux en contact avec les denrées alimentaires. Cependant des organismes industriels comme l’EuPIA (European Printing Inks Association), sont en faveur d’une réglementation européenne qui prévaudrait sur les législations nationales. En effet celles-ci pourraient être vues comme des bannières douanières.

L’encadrement réglementaire des encres d’imprimerie

Au niveau européen, le Règlement 1935/2007/CE n’autorise pas le contact des encres d’imprimerie avec les aliments

Actuellement l’usage de substances chimiques dans les encres d’imprimeries, revêtements et autres matériaux en contact avec la nourriture est géré par le Règlement 1935/2004/CE sur les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires. Cependant la liste des substances autorisés à être en contact avec la nourriture ne prend pas en compte les encres d’imprimerie.

Au niveau national : quelques avancées sur la législation des encres d’imprimerie

La Suisse : En Europe, la seule législation, au niveau national, qui encadre la composition des encres d’imprimerie utilisées sur les emballages est une ordonnance du gouvernement Suisse datant de 2010.

L’Allemagne : L’Allemagne projetait une ordonnance sur les encres d’imprimerie début 2015. Pour l’instant rien n’a été amendé par la Commission Européenne.

Conclusion

Cette étude danoise met en lumière le peu de connaissances sur les substances chimiques toxiques dans les emballages alimentaires. À l’heure actuelle, la toxicité de l’échantillon d’emballage analysé est irréfutable mais sa source impossible à diagnostiquer précisément.

L’étude laisse donc présager de nouvelles investigations scientifiques pour remédier à ce manque de connaissances, et de potentielles évolutions réglementaires lorsque les substances toxiques seront mieux identifiées.

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